Monsieur le représentant de sa majesté le Roi,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le représentant du Ministre de la défense,
Messieurs les représentants des ambassades d’Allemagne et des Etats-Unis d’Amérique.
Monsieur le Colonel Babette, représentant le gouverneur,
Messieurs les bourgmestres,
Monsieur le Gouverneur honoraire,
Madame et Monsieur les bourgmestres honoraires,
Mesdames et Messieurs les échevins et conseillers
Monsieur le président du CPAS,
Messieurs les anciens combattants et leur famille,
Messieurs les membres de l’ASBL du Fort d’Aubin-Neufchâteau,
Mesdames et Messieurs les présidents et membres des associations patriotiques,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs les directeurs, enseignants et élèves de l’enseignement communal de Dalhem,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Je vous remercie pour votre présence à cette cérémonie commémorant le 75ème anniversaire des combats du fort d’Aubin-Neufchâteau.
Même si dans la mémoire collective, le 8 mai marque la date anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe occidentale, nous célébrons ici un événement antérieur quoique liés puisqu’il s’agit de combats qui se sont déroulés lors de l’invasion allemande en mai 1940, c’est-à-dire au tout début de cette guerre.
« Pour produire de grands hommes, il ne suffit pas qu’une contrée soit belle et féconde, il faut qu’elle ait été profondément remuée par les évènements. Les dates du 10 au 21 mai 1940 resteront désormais historiques pour notre village et notre région. Chaque année, nous commémorerons les jours glorieux et douloureux qui firent entrer le nom d’Aubin – Neufchâteau dans l’histoire. Chaque année nous nous inclinerons devant ces morts qui sont les nôtres»
Ces paroles furent prononcées le 22 janvier 1941 par l’aumônier du fort (Waterloos) à l’occasion des funérailles du brigadier Jacques Demain. Elles expliquent encore parfaitement près de ¾ de siècle plus tard notre présence ici aujourd’hui.
Quand on se promène dans Aubin – Neufchâteau, et que l’on prend le temps de s’arrêter un instant, pour observer cette nature si belle en se ressourçant de cette ambiance si reposante, on a du mal à s’imaginer qu’il y a bientôt 75 ans, une tempête de feu et d’acier s’abattait sur ce petit coin de paradis.
En 1914 déjà, la place de Liège fût le point de pénétration des envahisseurs allemands, qui payèrent chèrement leur passage sur la Meuse. Frustrés par tant de résistance, ils reportèrent leur colère sur la population civile. Nos villages et leurs habitants subirent cette barbarie. Le 5 août 2014, nous avons eu l’occasion de rendre hommage à ces victimes lors d’une manifestation du souvenir riche en émotion.
C’est dans un soucis de renforcer notre défense qu’en plus du réarmement des anciens forts de Barchon, Pontisse, Chaudfontaine, Flémalle et Embourg, fut construit tout un réseau d’ouvrages importants : Eben-Emael, Aubin-Neufchateau, Battice et Tancremont.
En portant notre regard sur ce panorama circulaire, nous comprenons mieux pourquoi cet endroit fut choisi pour la construction de ce fort d’intervalle : un emplacement providentiel, au sommet d’une côte d’où l’on domine la vallée de la Meuse jusqu’au Canal Albert et Eben-Emael d’une part, et de l’autre, toute la vallée en direction de Battice.
C’est en 1936 que la construction du fort débuta. Il fut l’œuvre du Commandant du fort, Oscar D’Ardenne et d’une équipe d’officiers d’artillerie. Les travaux se terminèrent début mai 1940.
Si aujourd’hui, le massif central s’est en grande partie boisé, en 1940, ce fort blindé, blotti dans le sol à 35 mètres de profondeur ne laissait apparaitre qu’un renflement, au-dessus d’une colline où on devinait les deux coupoles armées de canon jumelé bien cachées par les hautes herbes émaillées de boutons d’or et de marguerites. C’est là que tenait garnison une troupe de 574 hommes.
Dès le 10 mai 1940 et jusqu’à sa reddition le 21 mai, le fort d’Aubin-Neufchâteau opposa une résistance farouche face à l’envahisseur allemand. Il endura pas moins de 24 assauts d’infanterie durant ces 11 jours avec, à chaque fois des préparations d’artillerie intense. Certains jours, il est tombé sur le fort jusqu’à 20 coups à la minute. La garnison du fort a opposé une défense héroïque allant jusqu’à consommer plus de 16000 obus sur les 18000 stockés dans les magasins. Il faut également signaler ici, la parfaite collaboration entre les forts de Battice et d’Aubin-Neufchâteau durant ces combats, Battice tirant sur Aubin –Neufchâteau pour dégager son massif des assaillants qui y prenaient pied.
Privé de munition et de possibilité de réaction, la garnison se rendit le 21 mai. Les hommes sortirent du fort entre deux haies de soldats allemands qui leur rendaient les honneurs.
Qui dit combats, dit morts, blessés et prisonniers. Les pertes en vie humaines coté Belge furent certes limitées bien que toujours intolérables : 7 jeunes hommes morts aux combats, des blessés et des prisonniers qui partirent en captivité pour 5 longues années. Coté allemands, les pertes furent bien plus sévères mais difficilement chiffrables.
Du roi Léopold III au Colonel allemand Runge, tous ont unanimement salué le courage, le sang-froid et le professionnalisme dont ont fait preuve les défenseurs du fort.
Pendant et après la guerre, le fort a été complètement ferraillé et pillé. Plus tard, Il a servi de terrain d’entrainement pour les miliciens. Souvent aussi, il servait de cachette pour des receleurs et autre commerces illicites quand on n’y déposait pas des ordures de toutes sortes.
Entre les soldats qui vécurent fraternellement de tels évènements, une amitié et une solidarité forte s’est créée. Après la guerre, l’amicale des anciens perpétua cette fraternité à l’occasion de célébrations et de fêtes. Avec le temps, leur rang s’est clairsemé, mais des enfants et des petits enfants ont pris la relève de leurs parents et grands parents et, avec l’aide d’autres bénévoles, ils continuent à faire vivre cette mémoire.
Aujourd’hui, le fort d’Aubin – Neufchâteau est géré par la Défense Nationale et est mis à la disposition des organismes régionaux et fédéraux dans le cadre de l’aide à la Nation. Le fort est ainsi utilisé notamment pour l’entraînement en milieu confiné par les pompiers, l’armée ou la police.
Par ailleurs, l’ASBL du fort d’Aubin – Neufchâteau, liée par une convention avec la défense Nationale, joue le rôle combien important de « passeur de mémoire ». Ses activités sont toutes réalisées par des bénévoles et couvrent divers domaines : l’organisation des visites du fort, la transmission du souvenir de la bataille d’Aubin – Neufchâteau, la gestion et la promotion du musée ou encore l’entretien du site pour y préserver notamment la faune et la flore.
La commune que je représente, soutient activement leurs actions, leur motivation est nôtre et nous les aidons au mieux de nos possibilités. La mise à disposition prochainement de modules pour y intégrer le musée en est un nouvel exemple. Je remercie les membres de l’ASBL du fort pour tout ce qu’ils font.
Arthur Schopenhauer, philosophe allemand, a dit : « L’Histoire est pour un Peuple ce que la Conscience est pour un Homme. Un Peuple qui oublie son histoire est comme un Homme qui perd sa conscience »
Monsieur le ministre, La sauvegarde de ce patrimoine historique, outil didactique, qui entretient le souvenir et le transmet aux générations futures, contribue à la compréhension de notre passé, au respect de nos traditions, de notre liberté, de notre identité. Il serait inconcevable, voir irraisonnable que pour des raisons budgétaires, tout ce travail de mémoire soit réduit à néant.
Devant les anciens combattants ici présents et devant les familles de ceux qui aujourd’hui ne sont plus, nous renouvelons notre attachement, notre profond respect et notre sincère reconnaissance à la garnison du fort d’Aubin pour le dévouement dont elle a fait preuve lors des combats du 10 au 21 mai 1940.
Je vous remercie pour votre écoute.
Arnaud Dewez,
Bourgmestre de la commune de Dalhem